jeudi 13 décembre 2007

Naturellement contrarié

Peu nombreuses sont les espèces marines actuelles de taille raisonnable (disons, au delà de quelques centimètres), dont le sens de développement est naturellement sénestre.

Contrairement à l'Helix pomatia récemment montré du doigt sur ce blog, ce Busycon contrarium de taille raisonnable (240 mm) n'a rien d'un rebelle : comme tous ses congénères, il s'enroule dans le sens inverse des aiguilles d'une montre.

Busycon contrarium Conrad, 1840 - 240 mm, USA, Floride

Cette espèce fréquente les bancs de sable du golfe de Floride, ou il vit à faible profondeur, se nourrissant notamment de bivalves. Il peut atteindre des tailles très respectables, plus de 400 mm.


Il existe une - petite - controverse sur son nom (mais que serait la malacologie sans controverses ?). Je résume. Busycon contrarium a été décrit par Conrad en 1840 à partir de coquilles fossiles du Miocène. En 1958, Hollister décréta l'espèce éteinte, et proposa Busycon sinistrum pour les coquilles actuelles. Tout est bien mieux expliqué, quoique en anglais, ici.

Magie de l'inventivité humaine, on trouve aussi des Busycon contrarium bien loin de leurs rivages d'origine. En Inde notamment, canal siphonal raccourci et nodules rognés, et sertis d'argent (ou de métaux moins nobles) à la façon des chanks sacrés (Turbinella pyrum). Le but ? Les faire passer pour des chanks sénestres, extrêmement rares et recherchés pour leurs valeurs spirituelles.

Et, incidemment, extrêmement chers. Si un jour on vous en propose un à moins de plusieurs dizaines de milliers de dollars, n'ayez aucun doute : c'est une arnaque. Un truc pour la débusquer, même sous le maquillage : Turnibella pyrum possède trois plis columellaires bien marqués, absents chez Busycon contrarium. Méfiance quand même : d'ici que les "artistes" indiens rajoutent ces trois plis...

dimanche 9 décembre 2007

Bassina disjecta

Sans intérêt, les bivalves ? C'est l'avis de nombreux collectionneurs, qui se passionnent uniquement pour les gastéropodes - cypraeidae, conidae, muricidae en tête. Ce Bassina disjecta, dont la coquille s'orne de voiles délicats, vaut pourtant le coup d'oeil - fut-il furtif.


Ce spécimen vient de Tasmanie (Australie). Bassina disjecta (synonyme de Callanaitis disjecta) fait partie de la famille des Veneridae, riche de plus de 500 espèces dont certaines sont parmis les plus spectaculaires des bivalves.


Bassina disjecta Perry, 1811 - 53 mm, Australie

lundi 3 décembre 2007

Beau livre

Vu sur L'Internaute, une trentaine de belles photos tirées d'un livre récemment paru, "Coquillages" de Paul Starosta (visitez son site, il y a des clichés naturalistes extraordinaires).

Belles images, dommages que les commentaires [EDIT : ceux de L'Internaute] soient truffés d'inexactitudes. Papuina pulcherrima ne vient pas des Philippines, mais est endémique à la Papouasie-Nouvelle Guinée. Liguus virgineus n'a jamais été "commun dans les eaux des Caraïbes", puisque il vit dans les arbres d'Haïti et de République dominicaine. Quant à Cypraea cribaria exmouthensis, il y a peu de chance que cette coquille ait un jour servie de "monnaie en Inde et en Afrique" : elle ne fréquente que les eaux australiennes. Etc., etc.

vendredi 30 novembre 2007

Niger (with attitude)

Bien connu des collectionneurs, le phénomène de nigérisation et de rostration de certaines porcelaines en Nouvelle Calédonie n'a jamais été totalement explicité, bien que de sérieux soupçons se portent sur la présence de métaux lourds dans les eaux polluées par les activités minières. Soupçons renforcés par le fait que l'on retrouve ce phénomène à l'est de l'Australie, dans la Baie de Keppel, région à l'importante l'activité minière.

Les trois spécimens présentés ici proviennent d'anciennes collections, et ont probablement été récoltés dans les années 40. Époque à laquelle les porcelaines nigers et rostrées étaient bien plus communes qu'aujourd'hui - sans que l'on sache si leur raréfaction est le résultat d'une collecte trop intensive ou, justement, de la pollution .

L'une des plus courante est Cypraea eglantina. Ce spécimen est bien moins foncé que d'autres, mais montre une intéressante rostration.


Cypraea eglantina Duclos, 1833 - 56 mm, Nouvelle-Calédonie

Autre hôte commun des lagons calédoniens, Cyraea annulus. La coquille ne s'assombrit jamais lors du processus, mais l'anneau jaune se dédouble, voire diffuse sur les marges comme c'est le cas ici.



Cypraea annulus Linné, 1758 - 27 mm, Nouvelle-Calédonie

Enfin, les Cypraea lynx rostrées sont moins courantes que les précédentes. Là encore, la nigérisation ne touche pas cette espèce, qui se déforme en revanche de façon spectaculaire.


Cypraea lynx Linné, 1758 - 46 mm, Nouvelle-Calédonie


A noter qu'un phénomène proche touche certaines porcelaines de l'Île Maurice. Fait curieux, il y concerne en particulier Cypraea tigris. Or à l'inverse, en Nouvelle Calédonie la quasi totalité des espèces de cypraea sont touchées - ainsi d'ailleurs que des ovulidae comme Calpurnus verrucosus - à l'exception, justement, de Cypraea tigris. Il reste encore beaucoup à apprendre sur le sujet.

dimanche 25 novembre 2007

Ce qu'ils sont devenus : Rare shells (3/50)

Troisième épisode de la série relative au destin des 50 espèces mises en avant par S. Peter Dance dans "Rare Shells", consacré à Conus dusaveli H. Adams, 1872

Cette très belle espèce a été décrite à partir d'un seul exemplaire : l'holotype (qui peut être vu ici, sur l'excellent site de Alan J. Khon) provient de l'"estomac d'un poisson pêché à une profondeur de 60 fathoms [soit environ 110 m.]" à l'Île Maurice, selon une lettre adressé à Melvill par Sowerby (III) en 1882, et citée par Dance dans son livre.

S'il n'y a aucune raison de mettre en doute cette provenance, elle est néanmoins surprenante. A ma connaissance (mais peut-être des références bibliographiques infirment-elles cette impression), depuis cet unique exemplaire Conus dusaveli n'a jamais été retrouvé dans les Mascareignes. Il est en revanche pêché en Nouvelle-Calédonie, au Japon dans les îles Ryukyu (dont la plus célèbre, Okinawa) et bien sûr aux Philippines, d'où proviennent la grande majorité des spécimens vendus actuellement. Ceux-ci sont généralement récoltés avec des filets dormants (tangle nets), sur des fonds sableux de 50 à 200 m.

Conus dusaveli H. Adams, 1872 - 69 mm, Philippines

mercredi 21 novembre 2007

Rebel (in my shell)

Vous n'avez jamais entendu parler de malacologie ni de conchyliologie ? Il y a pourtant un gastéropode que vous devez connaître : Helix pomatia, notre fameux escargot de Bourgogne , réputé pour ses qualités gastronomiques - bien que personnellement je préfère Helix aspersa, le "petit-gris", moins charnu sous la molaire.

Hemix pomatia Linné, 1758 - 41 mm, France

A priori, Helix pomatia n'a, pour un collectionneur de coquillages, strictement aucun intérêt. Très commun, sans forme ni couleur particulière, plutôt moche. J'en connais pourtant qui se damneraient (voire pire) pour trouver un jour, au détour d'un buisson, un exemplaire comme celui-ci. Un exemplaire sénestre, puisque c'est de cela qu'il s'agit.

Hemix pomatia Linné, 1758 - 41 mm, France

Voici donc un rebelle. Au lieu de développer sa coquille en tournant, comme ses congénères et néanmoins amis, dans le sens d'une aiguille d'une montre, Môssieur est parti dans l'autre sens. L'espèce est dextre ? Môssieur sera sénestre.

Celui-ci vient d'une ferme hélicicole de la région de Troyes. Je ne connais pas la fréquence de cette anomalie, mais j'ai interrogé plusieurs héliciculteurs : aucun ne l'avait jamais rencontrée. Peut-être est-ce simplement dû au fait qu'il ne l'avaient pas cherchée...

samedi 17 novembre 2007

Quand la chance sourit

Chercher des coquillages en apnée s'apparente généralement à une quête du Graal déçue. On espère un beau Conus aulicus f. propenudus ou, mieux encore, un rare Conus pennaceus rubiginosus, on soulève des tonnes de dalles de corail mort, on gratte le sable, on furète partout, et en général la récolte se résume à une série de muricidae encroûtés et de cypraea lynx ou erosa sans intérêt.

Et puis lorsque, transi de froid, on songe à rentrer (et au punch qui réchauffe), sous un innocent petit bout de corail machinalement retourné, un animalcule d'un rouge éclatant attire l'oeil. Sous la pression du doigt ganté, un manteau se rétracte, laissant apparaître les ocelles d'une Cypraea esontropia cribellum.



C'est un coup de chance, il ne se reproduira probablement jamais. Mais, le lendemain, on retourne fouiller le lagon avec un entrain renouvellé.

P.S Quant à la valeur taxinomique de Cypraea esontropia cribellum Gaskoin, 1849, elle est pour le moins sujette à caution. En pratique, c'est ainsi que l'on nomme les exemplaires de forme cylindrique de Cypraea esontropia, pêchés à La Réunion et à l'Île Maurice.